• Attention : Les drones arrivent !

    Article d'Ey@el

    Available in English

    © David Dees

    Un drone (de l'anglais « faux-bourdon »), également appelé UAV (véhicule aéroporté sans pilote), ou encore RPAS (système aéroporté piloté à distance), est un aéronef sans personne à bord, télécommandé ou autonome, qui peut éventuellement emporter une charge utile, destinée à des missions de surveillance, de renseignement, d'exploration, de combat, de transport, etc. Le pilotage automatique ou à partir du sol permet des vols longs de plusieurs dizaines d'heures en comparaison aux deux heures typiques d'autonomie d'un chasseur. Certains missiles non balistiques, en particulier les missiles de croisière, ont l'apparence aérodynamique de drones, mais ne sont cependant pas réutilisables, car détruits en fin de mission, contrairement au drone qui est ramené à sa base. (Source)

    En entendant parler de drones pour la première fois, il y a quelques années, mon sang s'est littéralement glacé dans mes veines. Non pas tant parce cette technologie futuriste d'actualité, au potentiel extrêmement dévastateur, m'effraie — du moins pas plus que toutes les nombreuses autres concoctées par cette bande de psychopathes au pouvoir qui nous considèrent comme du vulgaire bétail — mais parce que quelque temps auparavant j'avais fait des cauchemars à répétition où il était toujours question de petits objets volants faisant irruption dans le ciel en pleine nuit et pourchassant les personnes présentes qui tentaient de leur échapper en courant dans tous les sens. Beaucoup de mes proches ne parvenant pas à se cacher, se faisaient tuer. Certains freudiens y verront probablement plein de trucs tordus dans ma psyché. Sans doute n'auront-ils pas tort, mais pour des tas de raisons, je pense qu'il y a bien plus et c'est justement cela qui me trouble. Parce que l'histoire que nous racontent Muse, dans leur dernier album intitulé Drones, ressemble beaucoup au scénario de mes angoisses nocturnes. Se pourrait-il que Matt Bellamy ait fait les mêmes rêves que moi ?

    Extrême Onction

    « Après avoir lu quelques livres à ce sujet » a-t-il récemment déclaré lors d'une interview, « je me suis dit que ce serait un bon thème pour un album parce qu'il y a différentes significations, plusieurs interprétations de ce que représentent les drones. Je pense que c'est la technologie la plus extrême que l'on ait inventée. Cela touche à la technologie mais interagit également avec l'humanité entière parce que ce sont des machines à tuer. On ne sait pas ce que sera la prochaine étape. Ça peut évoluer vers un monde totalement technologique ou vers un abandon total de la technologie. Il ne peut pas y avoir d'entre-deux. Ce sera quelque chose d'extrême. » (Source)

    Extrême est d'ailleurs exactement le terme qui convient pour décrire ce septième opus du trio britannique qui a immédiatement pris d'assaut la tête des classements musicaux internationaux dès sa sortie le mois dernier. Contrairement au reste de l'humanité dans cet album conceptuel aux relents d'apocalypse, ce ne sont pas les drones qui m'ont eue mais Muse. Muse m'a tuée avec cet album qui vous explose à la figure comme une bombe. Jamais l'expression « plus rentre-dedans tu meurs » n'a donc été aussi vraie. Ceci dit, je veux bien ressusciter le temps de vous expliquer pourquoi.

    Apocalypse Now

    Quel soulagement, d'abord — après l'immense déception que fut The 2nd Law, paru en 2012, laissant à penser que le trio était bel et bien « mort à l'intérieur », victime de son succès et récupéré par l'industrie — de constater que Muse ont finalement tenu parole et véritablement effectué ce retour aux sources inespéré vers une musique simplifiée et dépourvue d'expérimentations en tous genres (au propre comme au figuré). Réalisé sous la houlette de Robert Lange, producteur d'AC/DC, cet album aux sonorités tonitruantes pourrait presque prétendre, à certains endroits, trouver sa place au rayon hard rock si ce n'était pour son contenu mélodique, son lyrisme effréné et ses textes relevant d'une conception profondément humaniste aux antipodes des thèmes satanistes chers aux groupes de heavy metal qui l'en excluent totalement. Et c'est tant mieux car auquel cas, je ne vous en parlerais même pas tant ce type de vibrations a un effet profondément répulsif sur la personne que je suis. Diabolique sans doute, mais pas satanique. Et ce déferlement quasi incessant de décibels se justifie parfaitement dans le sens où les morceaux parlent de guerre et de destruction massive par les drones. Non pas que Matt Bellamy n'aurait pas songé à y incorporer du Wagner, mais pas cette fois. Il a trouvé beaucoup mieux.

    Et pour cela, il vous faudra patienter jusqu'à l'épilogue.

    Genèse d'une machine à tuer

    « Tu m'as appris à mentir sans ciller et à tuer sans remords. Vu de l'extérieur, je suis un mec génial mais à l'intérieur, je suis mort. » Voilà qui plante le décor sur le rythme quasi hypnotique d'une batterie omniprésente avec "Dead Inside", reprenant ainsi le thème de la manipulation mentale déjà abordé avec "MK Ultra" (voir Articles connexes). Jusqu'aux envolées lyriques façon U2 où le protagoniste implore la femme qui l'a piégé de lui rendre son humanité.

    Trop tard. « L'amour ne te mènera nulle part. Tu es tout seul, perdu dans la nature. Viens donc à moi, quelqu'un comme toi pourrait m'être utile — quelqu'un qui tuerait sur mon ordre sans poser de questions. » La suite vous connaissez puisqu'il s'agit du premier single "Psycho" que je vous avais présenté il y a quelques mois (voir Articles connexes). Un bon antidote aux campagnes de recrutement de l'armée.

    Pitié ! ("Mercy") Le « héros » réalise alors qu'il vient de vendre son âme au diable et qu'il y a des choses finalement bien pires que la mort. Il implore le ciel de mettre un terme à son supplice. « Aidez-moi, je n'en peux plus. J'ai essayé de changer les règles, j'ai tenté de m'infiltrer, mais je suis en train de perdre la partie. Les hommes en toges semblent toujours avoir la main. Délivrez-moi des ombres et des fantômes avant qu'ils ne dévorent mon âme. »

    Les drones sont lâchés

    C'est peine perdue. Le temps des moissons sanglantes est arrivé. Les "Reapers" (drones de combat) sont lâchés. Les guitares explosent de partout et Matt Bellamy s'égosille jusqu'à l'apothéose finale où Chris-dont-je-n'arrive-jamais-à-me-rappeler-le-nom (le bassiste) hurle : « Voilà les drones ! » Un morceau qui ne déchire pas uniquement les tympans mais distille sans discontinuer sa méga-dose d'adrénaline. « La guerre est passée à la vitesse supérieure. Je ne crois pas que je puisse faire face à cette réalité. Je ne suis qu'un pion. Nous sommes tous remplaçables et d'ailleurs tous susceptibles de nous faire rayer électroniquement de la carte par les drones. »

    « Tu étais mon oppresseur et moi, j'ai été programmé pour obéir. Mais maintenant, c'est toi le maître et je vais répondre à tes exigences. » Transformé en machine à tuer, le « drone humain » qu'il est devenu commence alors à avoir des ratés. « Laisse-moi tranquille ! » crie-t-il à son « maître » ("The Handler") pour finir par échapper totalement à son contrôle mental : « Je ne te laisserai plus jamais contrôler mes émotions et je ne ferai plus ce qu'on me demande. Je n'ai plus peur d'avancer seul. »

    L'ultime bataille

    Petit retour en arrière sur la Guerre froide avec un extrait du discours de Kennedy, en 1961, sur l'existence des sociétés secrètes qui dirigent et manipulent ce monde (et dont l'intégralité figure dans le clip ci-dessus sous-titré en français) avant de retrouver notre héros qui a finalement recouvré sa liberté en optant pour la désertion ("Defector") : « Libre ! Me voilà libéré de cette société. Vous ne pouvez plus me contrôler. »

    Il a désormais rejoint le camp de l'humanité dans lequel la situation ne vaut guère mieux. Il désespère : « Comment avons-nous pu en arriver là ? S'en extirper semble tout bonnement impossible. L'oppression perdure, je n'arrive pas à lutter contre ce conditionnement mental. Notre liberté n'est qu'un sursis accordé par les machines et les drones. »  C'est là qu'une petite voix s'élève en lui et le pousse à la révolte ("The Revolt"). « Tu as la force, tu as une âme, tu as déjà ressenti la douleur, tu as déjà ressenti l'amour : tu peux grandir, tu peux croître et faire de ce monde ce que tu veux. »

    Au lendemain

    Après une lutte sans merci ("The Aftermath"), les choses se calment. La musique aussi. Le héros est parvenu à échapper à ses oppresseurs. « À compter de cet instant, tu ne seras plus jamais seul. Toi et moi sommes liés ici et à jamais. Finie la solitude, je suis un déserteur. »

    Surgit alors au beau milieu des ruines encore fumantes d'un monde dévasté, Clint Eastwood, le pistolero solitaire, un peu dépité maintenant que la fête est finie et que tout le monde est mort. C'est du moins l'image saugrenue qu'évoque en moi la première moitié de "The Globalist" (le mondialiste) qui dépeint l'anéantissement brutal de toute une civilisation. « Il ne reste plus aucun pays à combattre et conquérir, je crois bien que je les ai tous exterminés. C'est le propre de l'homme dans lequel le meilleur chasseur est celui qui survit à tous sans plus personne à aimer. »  À noter que ce titre est censé être la suite logique de "Citizen Erased", présent sur The Origin Of Symmetry, paru en 2001 (« Efface tous ces souvenirs, ils ne pourront qu'engendrer la souffrance et j'en ai déjà vu plus qu'il ne m'en faut »).

    Tués par les drones

    Surprise, surprise ! L'album se termine sur un morceau a capella rappelant un cantique d'église. Le héros enterre ses morts ("Drones") :

    Tous abattus par des drones :
    Ma mère, mon père,
    Ma sœur, mon frère,
    Mon fils et ma fille.

    Abattus par des drones,
    Nos vies entre vos mains —
    Cela vous fait-il quelque chose ?
    Êtes-vous morts à l'intérieur ?
    Maintenant vous pouvez tuer
    En toute sécurité
    Sans sortir de chez vous
    Grâce aux drones.

    Amen.

    © Matthew Bellamy, 2015.

    Traduit de l'anglais par Ey@el
    © lapensinemutine.eklablog.com

    Le mot de la fin

    Waow ! On en reste bouche bée et sur le cul.

    N'empêche qu'après cette formidable incursion dans la Pensine de Matt Bellamy, je n'arrive toujours pas à me décider si lui et sa bande ne sont que de vulgaires opportunistes ou bien s'ils se servent de leur position pour faire passer un message (ou un peu des deux). L'important, finalement, est qu'à force d'être rabâché, ce message finira bien par se frayer un chemin à travers les méandres chamboulées de pas mal d'ados excités par les décibels, qui les écouteront en boucle et iront « headbanguer » à leurs concerts. Après tout, il n'y a pas de sot moyen.

    Quant à d'autres comme moi, beaucoup plus vieux et déjà bien au fait, ils se garderont bien d'aller se faire massacrer les tympans et le porte-monnaie, mais en useront et en abuseront comme du meilleur remontant qui soit. De la dynamite, cet album, je vous dis ! Je fais mon cardio, ma muscu et mon yoga avec et par temps de canicule même. Cela me file une pêche d'enfer même quand l'instant d'avant je me sens incapable de remuer un orteil. Et contre la démotivation ou la déprime passagère, ça le fait aussi. Gravement.

    Muse ma tuée certes, mais ressuscitée avec la niaque en plus.

    Ey@el

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 11:57

    "Here come the drones !" ai-je envie de crier. Il est clair qu'après The 2nd Law (moi je l'aime bien cet album, tiens, j'en ai même le poster collé derrière moi.), le retour en force de Muse se fait ressentir, malgré les mauvais retours que j'ai pu avoir, même quelques fois l'album est pourri par la presse (Notamment par les InRocks, qui s'acharne décidément bel et bien sur Muse ?). 

    Personnellement, j'ai des préférences pour Psycho, Mercy, The Handler et Defector. (Il y a un solo de guitare dans celui-ci que j'aime beaucoup).

    Et je finirais avec le nom de chris : Wolstenholme (je ne te cache que pour l'orthographe, google m'a bien aidé ! lol)

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    2
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 14:04

    Je ne sais pas pour la presse, je ne la lis pas. En fait, je n'ai rien lu sur Muse à part la position dans les charts que je voulais vérifier (je me doutais bien que ça allait faire un carton musicalement). Quant à détraquer Muse, c'est normal quand un groupe devient populaire (un truc d'intello car si les masses aiment, c'est plus bon pour eux forcément).

    Moi , ma préférence absolue (mais j'aime tout) va surtout à "Psycho" et "Reapers". Le deuxième surtout me fait penser un peu à "Stockholm Syndrome" que j'adore et "Hysteria".

    Ça faisait très longtemps que je n'avais pas adoré un album comme ça.

    Ah, le bassiste a vraiment un nom à coucher dehors !

    3
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 19:27

    Ah ! Elles sont géniales aussi.

    Ouais !

    4
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 21:25

    Ce qui me fait penser que j'avais pour projet de traduire "Stockholm Syndrome" et que ce n'est que partie remise.

    5
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 21:50

    Aha il faut s'y mettre ! Cette chanson est super, aussi.

    6
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 22:41

    C'est sûr mais tous les gens qui viennent lire ce blog ne sont pas forcément aussi enthousiastes que nous à l'écoute de la musique de Muse. Bah, j'enverrai le surplus à Megalomania (j'avais déjà traduit "Supermassive Blackhole"). Et puis il y a aussi "Starlight" que je ressortirai bien un de ces jours parce que je sais... hum, mais j'adore cette chanson. Elle me rend joyeuse !

    7
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 23:04

    Yes ! :)

    8
    Mercredi 22 Juillet 2015 à 07:30

    muse ravie mes "pavillons " de bon matin merci "jolis yeux"

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