• L'Avent du bling-bling

    Article d'Ey@el

    Noël a beau agacer par son côté mercantile à outrance, flanquer la nausée avec tous ces prêchiprêchas tenus par des gens qui n'ont que des horreurs à leur actif ou encore nouer la gorge en nous faisant prendre conscience du fossé des inégalités sociales qui ne cesse de se creuser, il ne laisse personne indifférent et nous ramène souvent, dans le meilleur des cas, à des souvenirs heureux de notre enfance. Et les médias ne se privent pas d'entretenir cette « faiblesse sentimentale » en accentuant le côté festif et rédempteur de la chose tout en nous gavant de films moralisateurs à deux balles, sponsorisés par Disney et Cie, dans lesquels tout le monde se comporte en bisounours alors que la réalité est toute autre. Loin de moi, pourtant, l'idée de jouer les Grinch et de vous saper le moral en tirant le rideau du magicien d'Oz, mais je tenais à ce qu'il soit bien entendu que je ne faisais pas l'apologie de Noël.

    Le bon côté de cette fête est qu'elle fournit un prétexte aux familles pour se réunir. Bien sûr, on devrait pouvoir le faire quand bon nous semble et sans injonction du calendrier mais ainsi sommes-nous conditionnés. Donc tant que le monde sera tel qu'il est, autant prendre tout ce qu'il a de positif et tâcher d'en tirer le meilleur parti en essayant d'écarter le négatif, ce qui n'empêche pas de rester vigilant.

    Les origines de Noël avant l'ère du bling-bling

    Les origines de la fête de Noël ayant déjà été expliquées récemment dans la Pensine (voir Articles connexes), nous ne nous étendrons pas à nouveau sur la question. À rappeler simplement qu'il s'agit d'une resucée chrétienne de la religion romaine et des cultes païens celtes, germaniques ou orientaux et que faute de connaitre la véritable date de naissance du Christ, la date du 25 décembre fut fixée par le pape Libère en 354. C'est donc le 359e jour de l'année du calendrier grégorien (ou le 360e les années bissextiles) mais c'était également le 5e jour du mois de nivôse dans le calendrier républicain français, officiellement dénommé jour du chien.1 Que ceux qui n'aiment pas Noël fêtent donc la saint Médor !

    Que signifie le mot « Noël » ?

    Pour certains, le mot Noël serait une évolution phonétique (nael) du latin « natalis » qui signifie « naissance ». Pour d'autres, il serait issu du gaulois « noio » (nouveau) et de « hel » (soleil). Toutefois l'idée de naissance est reprise dans de nombreuses langues. Ainsi en espagnol Noël se dit « Navidad », en italien « Natale », en portugais « Natal », en gallois « Nadolig », en gaélique « Nollaig » et en breton « Nedeleg ». Certaines évoquent nominement le Christ comme l'anglais avec « Christmas », le neerlandais avec « Kerstmist », l'afrikaans avec « Kersfees », le luxembourgeois avec « Chrëschtdag » ou l'albanais avec « Krishtlindja ».

    Les cadeaux

    Les Romains honoraient le dieu Saturne lors de la fête des sigillaires au passage du solstice d'hiver en lui offrant des figurines en terre cuite en échange de sa protection. À la fin des Saturnales, les enfants recevaient de petits présents constitués de menus objets en argile (ou en cire) d'où le nom donné à cette fête. Avant l'apparition des grands magasins et l'essor de la bourgeoisie vers la fin du XIXe siècle, les cadeaux étaient souvent comestibles (pommes, oranges, pipes en sucre) et n'avaient rien à avoir avec l’écœurante orgie commerciale que nous connaissons aujourd'hui.

    Ces rustres se contentaient de boire comme des trous, se vautrer sur des peaux d'ours, de chanter « Il est né ledit VIN HAHAHAHAHAHAHA », et de s'offrir des jolis cadeaux, principalement des esclaves !
    ~ La Désencyclopédie

    Certains pays d'Europe du Nord comme l'Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas mais également le Nord de la France et la Lorraine, ont pour coutume d'offrir les cadeaux à la saint Nicolas, le 6 décembre. Au sud, en Espagne et en Grèce, l'échange de présents a lieu lors de la fête de l’Épiphanie ou de la saint Basile, le 6 janvier. En Russie et en Ukraine, c'est à l'occasion du Nouvel An. On retrouve cette tradition dans de nombreux pays ayant adopté les mœurs occidentaux (Japon, Corée du Sud, Amérique latine) ou abritant de grandes communautés chrétiennes (Philippines, Timor oriental).

    La période de Noël, qui est très chargée cérémoniellement, possède une certaine intensité rituelle. Même si nous vivons fondamentalement dans une société marchande, il y a dans cet échange de cadeaux quelque chose qui est de l'ordre du don et qui est universel dans son principe : ils créent, maintiennent et consolident des liens ; ils constituent en quelque sorte une matrice du social.
    ~ Gérald Berthoud, anthropologue

    Le sapin

    Le sapin, ou plutôt l'épicéa, arbre à feuilles persistantes de la même famille, qui conserve ses aiguilles au cœur de l'hiver, est un symbole d'enfantement et de renouveau de la vie remontant à l'Antiquité. Les Égyptiens, les Chinois et les Hébreux utilisaient ses feuilles pour tresser des couronnes et des guirlandes censées représenter la vie éternelle. Pour célébrer les fêtes de Yule, les Scandinaves les paraient de torches et de rubans de couleur afin d'éloigner les mauvais esprits. Objet de culte païen chez les Celtes, le sapin aurait permis au missionnaire Saint Colomban de convertir quelques druides au christianisme en accrochant des lanternes à ses branches et en dessinant une croix lumineuse à son sommet. Dans le même esprit, Boniface de Mayence surnommé « l'apôtre de l'Allemagne » aurait utilisé sa forme conique pour enseigner la notion de Trinité.

    Au Moyen Age, sous l'influence chrétienne, on décorait le sapin ou « arbre du paradis » de pommes rouges (le fruit défendu), d'oublies2 (les hosties) et de l'Étoile de Bethléem. En France, la tradition apparut pour la première fois en 1521, en Alsace mais il fallut attendre le XIXe siècle pour qu'elle se répande dans toute l'Europe par le biais des migrations alors qu'elle fut exportée deux siècles plus tôt en Amérique du Nord par les colons allemands et néerlandais.

    Jusqu'à 1858, après qu'une grande sécheresse eut affecté les récoltes dans les Vosges et en Moselle, les sapins de Noël étaient donc décorés de fleurs et de fruits de saison. Un artisan verrier remédia à cette pénurie de décorations naturelles en créant des boules en verre et son idée fit le tour du monde. Depuis on a remplacé le verre, trop onéreux et trop fragile, par du plastique mais il existe des boules de Noël en matières plus nobles et moins polluantes telles que le bois, le papier mâché, etc.

    La bûche

    La tradition culinaire de la bûche pâtissière fourrée à la crème au beurre ou glacée (une autre invention française) pratiquée dans tous les pays et régions francophones mais aussi au Vietnam et au Liban, est encore un héritage des rites païens liés aux célébrations du solstice d'hiver. Lors de la veillée de Noël, les familles se réunissaient autour de l'âtre où l'on faisait brûler une grosse bûche qui devait se consumer le plus longtemps possible (jusqu'au nouvel an). On choisissait, de préférence, un arbre fruitier afin de garantir une bonne récolte l'année suivante et que l'on bénissait à l'aide d'une branche de buis ou de laurier ramassée à la fête des Rameaux. Dans certaines régions, on l'arrosait de vin pour assurer une bonne vendange ou de sel pour éloigner les sorcières. Les cendres de la bûche étaient conservées pour protéger le foyer ou répandues dans les champs pour fertiliser la terre.

    Le Père Noël

    La figure du bon gros vieillard jovial et joufflu qui distribue les cadeaux et que nous appelons Père Noël s'inspire à la fois du dieu viking Odin, du lutin nordique Julenisse dont il a conservé la barbe blanche, le bonnet et les vêtements de fourrure rouge, du dieu celte Gargan dont il a hérité des bottes et de l'évêque de Myre, en Turquie, plus connu sous le nom de Saint Nicolas et que les anglophones nomment Santa Claus (héritage du Sinter Klaas des colons néerlandais).

    Le Père Noël doit ses caractéristiques visuelles au journal new-yorkais Harper's Weekly qui, à partir de 1860 et pendant une trentaine d'années, publia des centaines de dessins de son caricaturiste Thomas Nast mettant en scène tous les aspects de sa légende. C'est également ce dernier qui établit sa résidence au pôle Nord — sujet d'une polémique faisant rage où certains le voient habiter au Groenland, d'autres en Laponie, en Suède, en Norvège ou encore en Sibérie. Sans commentaire.

    Une légende urbaine attribuerait l'universalisation de cette image, à partir des années 1930, aux publicités de Coca Cola qui s'inspirèrent d'un poème de 1822 à propos de la visite du Père Noël qu'ils habillèrent aux couleurs de la marque. D'aucuns affirment encore que ces mêmes couleurs à savoir le rouge (le sang) et le blanc (la mort) seraient celles du satanisme et que Santa serait, en fait, l'anagramme de Satan.

    Qu'en est-il des rennes et du traîneau ? C'est le célèbre écrivain américain Washington Irving qui aurait le premier décrit Saint Nicolas comme un lutin qui « s'envole au-dessus des arbres dans un chariot volant, apportant des cadeaux aux enfants » dans une satire publiée en 1809. Une idée qui fut par la suite développée dans le fameux poème dont s'inspira Coca Cola pour ses publicités, mettant en scène huit rennes nommés respectivement Fougueux, Danseur, Fringant, Rusé, Comète, Cupidon, Tonnerre et Éclair. Le neuvième renne qu'on lui connait aujourd'hui, Rodolphe dont le nez lumineux orientait le Père Noël dans la tempête, a été imaginé par le poète Robert L. May dans un conte publié en 1939.

    Le Haricot magique

    Hé non, je ne me suis pas plantée de mythe ! Je voulais parler du Haricot anglais bien sûr, le fameux Bean qui n'a nul besoin de s'affubler d'un nez rouge clignotant pour revisiter Noël à sa manière. Et il y a fort à parier qu'il réussira à lui tout seul à vous rabibocher avec l'esprit du jour. Alors marrez-vous bien et passez un agréable réveillon.

    Ey@el

    Notes et références

    1. ^ En rapport avec Sirius qui serait l'étoile de Bethléem ?
    2. ^ Les oublies sont de petites gaufres circulaires cuites entre deux fers.

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