• La révolution ne connaîtra pas de fin hollywoodienne

    Article de Caitlin Johnstone traduit par Ey@el

    Available in English

    Après avoir lutté tout au long de son histoire contre ses propres tendances auto-destructrices, l'humanité a désormais franchi le cap où il y a des chances pour que son combat aboutisse, d'une manière ou une autre, à une résolution à laquelle la plupart de nos lecteurs pourront connaître de leur vivant.

    Le scénario de cette lutte a été écrit avec deux fins possibles. Dans la première, nous somme incapables de surmonter nos tendances à nous auto-détruire et les derniers de notre espèce meurent empoisonnés par les radiations ou étouffés par les poussières d'une planète inhabitable. Dans la seconde, nous évoluons en dépassant ces mêmes tendances et développons des relations saines avec notre mental, avec notre écosystème et avec nos congénères.

    Aucune de ces fins ne fonctionnerait dans un film hollywoodien à gros budget. Dans la première, l'humanité meurt non pas avec éclat mais en gémissant suite à des retombées nucléaires ou à un effondrement climatique. Dans la seconde, les conflits et le drames que nous connaissons cesseront à mesure que nous nous en désengagerons et cesserons d'alimenter les schémas auto-destructifs qui nous y ont conduits. Soit nous conserverons cette même trajectoire de destruction et connaîtrons très vite son aboutissement inéluctable, soit nous la dévierons pour quelque chose de radicalement différent. Dans les deux cas, le héros n'embrassera pas la fille au générique de fin, il ne s'éloignera pas calmement de l'explosion et n'éjectera pas le méchant du haut d'une falaise d'un coup de pied tournoyant après une tirade mémorable.

    Je précise ceci parce qu'il semblerait que beaucoup de gens s'attendent plus ou moins à une fin hollywoodienne. Ils espèrent que Donald Trump sera arrêté pour avoir conspiré avec la Russie, qu'on le traîne avec des chaînes et que tout retourne à la normale. Ou que le Président Trump asséchera le marais, mettra Hillary Clinton sous les verrous, arrêtera les trois quarts du Capitole pour abus sexuels sur des enfants, et détruira l'état profond. Les gens s'attendent à ce qu'il y ait une révolution violente qui viendra restaurer la souveraineté individuelle de chaque citoyen. Ou à une révolution pacifique qui chassera la classe dirigeante et remplacera le statut quo par leur souche personnelle préférée de gauchisme. Inconsciemment, chacun recherche un grand dénouement mémorable où les gentils obtiendront justice et les méchants seront traduits devant cette dernière.

    Et les choses ne vont pas se passer comme ça.

    Si vous avez été un tant soit peu attentif au comportement humain dans votre vie, vous saurez que nous nous répétons fidèlement les mêmes schémas jusqu'à ce qu'une guérison interne et une croissance personnelle se produisent. Si vous en avez fait l'expérience, vous saurez que cette dernière est généralement décevante. La guérison véritable est un jeu de soustraction et va dans le sens opposé des scénarios égoïquement satisfaisant pour le mental que Hollywood est passé maître dans l'art de nous abreuver. Lorsqu'une guérison intérieure véritable se produit, elle n'offre pas matière à un récit passionnant et ses effets passent souvent inaperçus pendant un certain temps parce qu'ils ne se matérialisent non pas par l'ajout de quelque chose de nouveau mais par la soustraction de quelque chose d'ancien. Vous examinez les souvenirs de vos anciens schémas de comportement malsains et vous trouvez bizarre d'avoir eu ce type d'attitude.

    Si l'humanité transcende ses schémas malsains à la fin du film, les choses se passeront un peu de la même manière. Non pas de façon gratifiante pour l'ego où les personnages politiques que nous détestons le plus seraient punis et nos préférences idéologiques personnelles rehaussées, mais par le simple effondrement de nos anciens schémas. Si la conscience humaine évolue au point de lui permettre d'éviter sa propre destruction, alors c'est que nous aurons nécessairement abandonné les schémas égoïques de peur, de cupidité et de négativité qui nous enchaînent à nos anciens comportements destructeurs. Si cela se produisait, nous aurions probablement du mal à nous souvenir de ce qui nous stressait et nous enrageait en regardant l'état de notre monde.

    Rien d'autre ne le fera. Si nous en atteignons un paroxysme satisfaisant pour l'ego où tous les oligarques et les bellicistes seront guillotinés et leur fortune redistribuées aux nécessiteux ou autres, alors ce ne sera pas la fin du film. Nous ne serons pas parvenus au stade où nous aurons transcendé nos anciens schémas, nous n'aurons, dans ce cas précis, fait que voir ces derniers se manifester de manière agréable à l'ego. Et nous les reverrons rapidement se manifester de manière bien moins agréable.

    Nous n'atteindrons pas de dénouement heureux tant que nous ne guérirons pas collectivement ses anciennes addictions égoïques au drame et aux conflits. Même si nous parvenions en quelque sorte à créer une utopie sans nous débarrasser de ces addictions, elle serait rapidement détruite et le compte à rebours de l'apocalypse réactivé par la boucle des schémas grinçants qui, pour commencer, nous avaient menés au bord de l'extinction.

    Parce que devinez quoi ? Du point de vue de notre état actuel de conscience collective accro aux drame et aux conflits, un monde sans drame et sans conflit serait ennuyeux et sans intérêt. Ces addictions nous maintiendront sur la voie de notre destruction jusqu'à ce que nous nous en débarrassions, ne serait-ce que par notre inaptitude psychologique à vivre dans un monde de paix et d'harmonie.

    Êtes-vous capable de vivre dans un monde de paix et d'harmonie ? Un monde ennuyeux pour l'ego et inadapté aux scénarios hollywoodiens ? Quand je vois le comportement de nombreux militants sur les réseaux sociaux, c'est comme si beaucoup avaient plus peur de la fin du drame et des conflits que de la fin du monde. C'est drôle à dire mais je pense que c'est légitimement le cas pour bon nombre de personnes. Notre addiction au drame et aux conflits est si forte et notre aptitude à être tout simplement en paix dans l'instant si faible que qu'empêcher les choses de devenir harmonieuses peut être perçu comme un besoin  existentiel de vie ou de mort. Et nous connaissons tous des gens avec un très forte prédisposition à alimenter le drame pour satisfaire à ce besoin illusoire.

    Pour être en mesure de vivre dans un monde de paix dans lequel nous collaborerons harmonieusement avec notre écosystème et congénères humains, nous devrons transcender notre incapacité à nous contenter d'être. Pour obtenir un monde dans lequel toute l'ingéniosité humaine se focalise à la création d'un monde meilleur au lieu d'inventer de nouveaux moyens de produire des décharges pour la consommation de masse et de nouvelles manières de tuer et de s'exploiter les uns les autres, nous allons devoir avoir des esprits capables de survivre dans un environnement avec beaucoup moins de conflits et, dès que cette ingéniosité sera mise en route, beaucoup moins de travail également. Des esprits pouvant se reposer facilement sans affairement frénétique ni drame. De tels esprits sont actuellement rares au sein de notre espèce.

    La raison pour laquelle pourquoi tant de films hollywoodiens parlent d'avenir dystopique et pratiquement jamais d'avenir utopique est parce qu'il n'y a ni drame ni conflit dans l'utopie. Les films hollywoodiens ramassent beaucoup d'argent en étant agréables à l'ego — quels régals pour ce dernier que de regarder des héros éjecter des méchants d'une falaise à coup de pieds aux fesses parce que nous pouvons nous transposer dans ce rôle de protagoniste et nous imaginer sortir triomphant du drame et des conflits présentés à l'écran.

    C'est pourquoi je me désigne comme une « survivaliste de l'utopie ». Pour avoir un monde de paix et d'harmonie, nous allons devoir avoir des esprits réceptifs à une telle chose. Je considère que cultiver un tel esprit comme la chose la plus importante que je fasse pour ouvrir la voie au paradis sur terre, en me délestant de tout ce qui me rattache à mes anciennes façons de faire et en ouvrant la voie en moi pour quelque chose de nouveau. Il faudra nécessairement que cela se produise parmi nous si nous voulons que le film ait un dénouement heureux et si nous y parvenons, cela n'aura rien de spectaculaire. Cela ne sera pas gratifiant pour l'ego. Nous cesserons simplement de nous engager dans des schémas malsains de manière paroxystique, nous nous mettrons à canaliser notre ingéniosité pour améliorer le monde, et de temps en temps peut-être nous nous pencherons sur l'histoire en trouvant bizarre d'avoir fait ce genre de chose.

    Traduit de l'anglais par Ey@el
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  • Commentaires

    1
    Mercredi 17 Avril 2019 à 19:07

    Ton raisonnement est valable ! Qui en effet se contente de vivre ? Mais je pense que pour arriver à cette utopie il faudrait que l'argent et la propriété n'existent plus. Car, pourquoi y a t'il des conflits et des drames  ? Parce qu'on veut gagner toujours plus d'argent ( certains plus que d'autres !) . Si on ne possède plus rien et qu'on n'a plus besoin d'acheter quoique ce soit, alors plus de conflits, plus de drames . 

      • Mercredi 17 Avril 2019 à 19:36

        Oups ! SON argument... Mais en fait, moi je l'ai compris dans le sens où l'argent n'est qu'un moyen. L'enjeu du moyen est le pouvoir que l'argent donne. Avoir plus que les autres pour avoir un pouvoir sur eux. Le pouvoir de détenir toute la nourriture, toutes les terres pour la cultiver, etc, etc. Même à la préhistoire quand l'argent n'existait pas, les hommes se battaient entre eux pour les territoires de chasse, les femmes, etc. C'est bien le besoin de dominer qui est la cause, le sentiment de séparation qui fait que pour se sentir en sécurité il faut dominer les autres. L'ego qui s'estime le centre du monde, et prioritaire sur les autres. C'est bien dans la psyché tout ça. Mais j'y reviendrais plus amplement très bientôt (je ne vais pas spoiler).smile

      • Mercredi 17 Avril 2019 à 19:48

        oups je n'avais pas lu l'entête ! moi je pense quand même que notre malheur a commencé quand il y en a un qui a décidé de mettre la nourriture sous clef et surtout d'en produire trop. Tant qu'on allait chercher la nourriture là où elle se trouvait et qu'on arrêtait quand on n'avait plus faim tout allait bien . Quand il a fallu commencer à travailler plus que de raison pour obtenir la même chose qu'avant et bien ça a été le début des ennuis. ;)

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