• Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux

    Article d'Ey@el

    Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, regardez-les s'envoler c'est beau » chante encore Pierre Perret1 dans mes souvenirs d'enfance. Symboles de liberté par excellence, les oiseaux occupent tout naturellement une place de choix dans le langage aussi bien dans les adages que les expressions idiomatiques. Du « coucou, le petit oiseau va sortir » au « chouette, la vie est belle, je suis gai comme un pinson » lâché joyeusement par l'heureux coq en pâte qui est aux oiseaux2 parce qu'il a à la chouette3 une jolie poulette à la voix de rossignol, on pourrait normalement en déduire qu'ils symbolisent tout ce que ce à quoi nous aspirons tous au fond, à savoir être libres et insouciants.

    Fait comme l'oiseau
    Ça vit d'air pur et d'eau fraîche,
    Un oiseau
    D'un peu de chasse et de pêche,
    Un oiseau
    Mais jamais rien ne l'empêche,
    L'oiseau
    D'aller plus haut
    ~ Michel Fugain4

    Malheureusement, comme on dit, une hirondelle ne fait pas le printemps. Certes, on accorde bien aux pioupious quelques qualités indéniables comme leurs prouesses vocales, la beauté de leur plumage et leur endurance (« petit à petit, l'oiseau fait son nid »). Mais en y regardant de plus près, il apparait que, finalement, ils ne sont pas aussi valorisés que cet engouement populaire qui les conjugue à moult sauces pourrait donner lieu à penser, au prime abord. Toute sauce bonne pour l'oie est bonne pour le jars. En fait, si la société pouvait être assimilée à une gigantesque volière, on y trouverait sans doute un piaf pour chacune de nos tares. D'où, peut-être, l'expression « donner des noms d'oiseaux » lorsque l'on insulte une personne.

    Vol au-dessus d'un nid de coucou

    Prenez vos voisins d'immeuble par exemple. Vous avez ce drôle d'oiseau de nuit, au cinquième, toujours en costume de pingouin, épais comme un coucou, avec des jambes de coq, qui rentre souvent saoul comme une grive le dimanche matin. Il sort avec une grande dinde qu'il appelle « ma petite caille » et qui serait une vraie bécasse selon la bignole du rez-de-chaussée. « Une grue, cette poule ! Pourtant, elle ne casse pas trois pattes à un canard », ne se prive-t-elle pas de clamer, à qui veut bien l'entendre, avec sa bouche en cul de poule et ses hideuses pattes d'oie qui flanquent la chair de poule.

    « Elle cherche à le faisander, la cocotte, c'est évident. Et cette tête de linotte avec sa cervelle d'oiseau est en train de tirer sa poudre aux moineaux», s'empresse encore d'ajouter notre oiseau de mauvaise augure. Rien ne lui échappe à celle-là. Toujours couchée avec les poules et levée au chant du coq car, comme dit le pépé anglais du troisième, « c'est l'oiseau du matin qui attrape le ver6 ». Sauf que lui, c'est plutôt au verre de brandy qu'il pense !

    De l'âne au coq

    « Il a beau faire l'autruche et se mirer dans son miroir aux alouettes le grand serin, un jour il se réveillera et l'oiseau se sera envolé avec le magot », continue l'intarissable pie bavarde. « Fichtre ! Sa poule n'a rien d'une oie blanche. Par contre, lui, cette triple buse, il est vraiment bête comme une oie ! Aucun risque qu'il trouve la pie au nid7. C'est quand il se sera fait complètement plumer qu'il comprendra enfin qu'il n'était que le dindon de la farce. »

    C'est bien connu, les belles plumes font les beaux oiseaux. Et ce jeune homme qui, aux dires infondés de la vieille chouette pas finaude, serait en quelque sorte la poule aux œufs d'or — le merle blanc — de la perruche qu'il promène à son bras, n'a, de fait, rien d'un pigeon. Bien au contraire ! Car si oiseaux d'une même plume s'assemblent8, cet emplumé-là serait surtout du genre rapace ou, plus précisément, un vautour doublé d'un fin merle et voleur comme une pie. Fier comme un paon en plus ! Son orgueil sera son chant du cygne.

    On ne peut empêcher les oiseaux de malheur de voler9

    C'est que, depuis qu'un corbeau s'est mis à jaser comme un merle et à répandre des rumeurs fort à propos, les perdreaux sont sur les dents et faute de merles mangeront des grives. Ça lui apprendra à ce geai paré de plumes de paon à faire son coq et étalage de ses biens mal acquis en répétant comme un perroquet qu'il est bien trop malin pour se faire prendre. Rien n'est moins sûr.

    Il devrait même être comme l'oiseau sur la branche à l'heure qu'il est, car un poulet au regard d'aigle, plus futé que les autres, a flairé l'anguille et ne va pas lâcher le bout de gras. Surtout quand on sait qu'un oiseau sous la main vaut mieux que deux dans le buisson10 et qu'il n'a justement pas l'intention de les battre les buissons pour qu'un autre prenne les oiseaux.11

    Donc au lieu de bayer aux corneilles, en se croyant à l'abri dans le nid de hibou12 ravitaillé par les corbeaux13 qui lui sert désormais de planque depuis que sa colombe l'a prévenu, il ferait mieux d'arrêter de croire naïvement que quand court le renard, le poulet a des ailes car celui qui l'a dans le pif n'a rien d'un fils de poule mouillée. Ce serait même le genre ripou impulsif qui n'hésitera pas à tuer la poule pour avoir l’œuf. Et quand les poules auront des dents, lui, il aura déjà bouffé l'âne ! Pas de doute là, le vilain piaf du cinquième va y laisser des plumes.

    Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages

    N'empêche, qu'est-ce qu'elle va être contente la bignole d'avoir sa photo dans le canard ! Déjà qu'on la cite de long en large dans la Pensine. Qui sait, ça va peut-être l'inciter à aller gazouiller sur Cuicui14 ? Hé oui, comme disait Andy Warhol, « on aura tous droit à notre quart d'heure de célébrité ».

    Et pour que ce soit bien vrai, je dédie cet article à mon pioupiou d'amour qui me prend vraiment pour un coincoin sauvage et qui va bientôt finir par devenir expert en sa propre connerie s'il continue sur sa lancée. Courage mec, assume : tu vas bientôt les atteindre les milles bornes !

    Encore quelques gazouillis

    Histoire de ne pas terminer sur une prise de bec, voici quelques nouveaux adages tout frais pondus de ma plume à papote.

    À poussin qui piaille, on crie tête d'oie.
    Le coq aux haricots vous réveillera à cinq heures pétantes.
    C'est quand le hibou bout qu'on est censé avoir la frousse.
    Signe des temps, le cygne d'étang n'y est plus assigné.
    ~ Proverbes angéliques

    Ey@el

    Notes et références

    1. ^ "La Cage aux oiseaux", Pierre Perret (1971).
    2. ^ Expression québécoise équivalente à "être aux anges" : transporté de joie.
    3. ^ En pincer pour quelqu'un.
    4. ^ "Fais comme l'oiseau", Michel Fugain (1972).
    5. ^ Gaspiller ses ressources pour des futilités.
    6. ^ « The early bird catches the worm » : l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt.
    7. ^ Faire une découverte importante.
    8. ^ « Birds of a feather flock together » : qui se ressemble s'assemble.
    9. ^ « On ne peut empêcher les oiseaux de malheur de voler. On peut simplement les empêcher de faire leur nid dans nos cheveux » (Proverbe chinois).
    10. ^ « A bird in hand is worth two in the bush » : un tien vaut mieux que deux tu l'auras.
    11. ^ Se donner toute la peine pour qu'un autre en tire profit.
    12. ^ Vieille bicoque délabrée.
    13. ^ Isolé.
    14. ^ Twitter. Par contre « twit » veut dire bêta, nigaud. Par déduction logique selon le théorème de Lapalisse, il faudrait donc comprendre que poster des twits (et non tweets) reviendrait à poster des niaiseries ?

    Articles connexes

    La reproduction du contenu de ce billet est strictement interdite.
    © lapensinemutine.eklablog.com. Tous droits réservés.

    Haut de page

    Bas de page

    « Comment savoir si c'est l'âme ou l'ego qui s'exprime ?Les papillons de Gaïa »

    Tags Tags : ,
  • Commentaires

    1
    Mercredi 22 Janvier 2014 à 13:50

    C'est trop injuste !!!

    Je ne sais pas si je vais m'en remettre de si tôt, et quelle vibrante dédicace ...

    MMMmmmmooooooouuuuuuuuuuuaaaaaaaaarrrrrrrrrrrfffffffffffffffffffff

    2
    zwyn
    Jeudi 23 Janvier 2014 à 16:08

    C'est en amoureux des oiseaux de la nature et de Farid-ud-Din-Attar que je me permets d'écrire. Cela fait plus de 40 ans que je nourris les oiseaux de la nature et je me fiche totalement de connaître le nom des espèces. C'est l'observation qui m'a permis d'adapter et de modifier la nourriture.

    Par le biais des soufis , ce serait bien Ey@el_ si tu pouvais faire connaître la Conférence des Oiseaux de Attar :-)

    3
    Jeudi 23 Janvier 2014 à 17:28

    Bonjour Zwyn,

    J'espère que tu auras compris que cet article n'était que d'un point de vue linguistique, reflet de ce que notre société pense des oiseaux, pas ce que j'en pense moi. Je les adore aussi (voir http://lapensinemutine.eklablog.com/cantique-a103293011).

    Je ne connaissais pas la Conférence des Oiseaux de Attar mais ça m'a l'air très intéressant vu ce qu'en raconte... Wikipédia ! Ce serait bien si tu avais un ou plusieurs liens dont je pourrais me servir pour un article ou bien un texte en français ou en anglais.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :