• La liberté spirituelle en Occident : sommes-nous en train de dériver vers la culture de la répression ?

    Article de David Gardner traduit par Ey@el

    Available in English

    Bien qu'il soit un peu à déplorer que cet article fasse l'amalgame entre la spiritualité et les religions — voire même entre la spiritualité « organisée » et la spiritualité tout court, sans gourou ni maître machin-chose — il n'en demeure pas moins important dans le sens où même si vous n'êtes engagé sur aucune voie spirituelle (religieuse ou personnelle), cela vous concerne néanmoins à tous les niveaux comme le résume parfaitement cette célèbre citation que se plait à reprendre David Icke dans tous ces livres :

    Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas communiste.
    Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas Juif.
    Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas syndicaliste.
    Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas catholique.
    Et lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester.
    ~ Martin Niemöller

    Ey@el

    Ceux qui pratiquent la spiritualité alternative en Occident font de plus en plus l'objet de discriminations et de censure. Il est peu réjouissant d'envisager les issues possibles d'une société où les libertés spirituelles seraient fortement restreintes. Cet article examine l'exemple de l'oppression exercée par le gouvernement chinois sur la spiritualité afin d'illustrer la raison pour laquelle nous ne devrions pas prendre nos droits et nos libertés en la matière pour acquis.

    Des plans obscurs menacent actuellement la liberté spirituelle à travers le monde et semblent progresser à une vitesse alarmante.

    Comme nous l'avons récemment révélé sur ce blog :

    • Des mesures de censure sont mises en œuvre au Royaume-Uni dans des circonstances mystérieuses et à l'encontre des citoyens britanniques ; et
    • de nombreux sites en rapport avec la spiritualité (dont celui-ci) sont déjà bloqués par les filtres internet commerciaux largement utilisés en Occident.

    Dans les médias grand public, la spiritualité alternative est souvent représentée de façon abusive et volontairement négative en retournant nos plus grandes craintes contre nous afin de manipuler notre opinion sur l'ensemble de ces pratiques.

    En dépit de cela, de nombreuses personnes estiment que revendiquer notre droit de pouvoir accéder et pratiquer la spiritualité de notre choix n'est soit pas nécessaire ou bien la mauvaise chose à faire. Il semblerait que nous ayons été convaincus que résister à un problème revenait à le perpétuer et que la censure extérieure ne soit pas gênante puisque nous évoluerons spirituellement de manière à la contourner.

    La réalité, par contre, est que l'évolution spirituelle nécessite un effort soutenu et que si nous n'avons pas accès aux outils et aux techniques nécessaires à notre transformation intérieure, il est évident que nous n'aurons simplement pas la possibilité d'y parvenir.

    Si nous ne revendiquons pas nos droits et notre spiritualité dès maintenant, courons-nous le risque de cette opportunité nous échappe totalement ?

    L'examen attentif de la réglementation par l’État de la spiritualité en Chine et des liens et parallèles avec les politiques des pays occidentaux brosse un tableau qui donne à réfléchir sur la tournure que pourraient prendre les choses si nous continuons à considérer notre liberté spirituelle comme acquise.

    Quand la religion approuvée par l’État est la seule autorisée

    Il peut être difficile de s'imaginer, quand on vit en Occident, que des gens peuvent être systématiquement incarcérés, torturés, voire même assassinés à cause de leurs croyances spirituelles et pourtant cela se produit partout dans le monde en ce moment même. Dans certains pays, la religion est totalement réprimée au profit d'un gouvernement athée tandis que dans d'autres, c'est la religion d'état qu'on propage tout en persécutant les autres convictions.

    La Chine est l'un de ces pays où l'expression de la spiritualité est fortement restreinte et dont le gouvernement perçoit ces minorités capables de mobiliser leurs adeptes pour les impliquer dans des actions directes (telles les récentes manifestations pacifiques) comme une menace au contrôle de l’État.
    (Source : religioustolerance.org)

    Souvent initialement soutenus par le régime, les groupes qui finissent par être perçus comme menaçants sont persécutés et sont victimes de mesures répressives, de propagande médiatique et d'un réseau d'associations anti-secte.

    La Chine comporte plus de 1,3 milliard d'habitants mais seulement cinq religions sont approuvées par son gouvernement :

    • le bouddhisme
    • le taoïsme
    • l'islam
    • le catholicisme
    • le protestantisme


    L'expérience religieuse n'y est néanmoins pas exempte de partialité — tout type de confession devant faire partie « d'associations patriotiques gouverne-mentales ».

    Au Tibet bouddhiste, le Panchen Lama (celui qui arrive en second après le Dalaï Lama) a été placé sous « garde protectrice » par le gouvernement chinois à l'âge de six ans, après sa nomination, pour être remplacé par un autre Panchen Lama ayant reçu son aval.

    Pour les Chrétiens chinois, il n'existe que deux alternatives : se rendre dans une église agréée dont les membres du clergé ont reçu une formation par le biais de séminaires sponsorisés par l'état ou bien se replier sur des églises clandestines souvent victimes de mesures répressive et de persécution.

    Ceux que l'on persécute n'obtiendront pas beaucoup d'appui de la part de leurs concitoyens. Il y a peu, lorsqu'un blogueur chinois a eu recours aux médias sociaux pour parler de son ami pasteur chrétien qui avait été maintes fois arrêté, il a pu constater que de nombreuses personnes approuvaient cela, un commentateur ayant même ajouté : « Les flics ont fait du beau boulot ! »

    Que ces opinions soient sincères ou non est difficile à déterminer. Le gouvernement chinois emploie des millions de trolls professionnels pour soutenir sa propagande que l'on appelle la Brigade des 50 Cents (parce qu'ils reçoivent 50 centimes pour chaque commentaire posté sur YouTube, sur les forums et sur les blogs du monde entier déformant ou détournant l'opinion en faveur de la doctrine gouvernementale).

    Les médias grand public en Chine servent également à contrôler et à réprimer les minorités religieuses.

    Récemment, lorsqu'une femme de 28 ans a été tragiquement battue à mort dans un restaurant McDonald, la télévision nationale a attribué ce crime à une « secte maléfique ».

    Quelques jours plus tard, le gouvernement a publié une liste de 20 « sectes » en activité. Dès lors, les événements se sont enchaînés avec une logique familière implacable : toutes les chaines de télévision et tous les journaux ont lancé des avertissements sur les dangers que représentent ces « sectes maléfiques ». Puis ce fut le tour des organismes communautaires, des autorités villageoises et des écoles. La campagne anti-secte s'est étendue à davantage des pratiques religieuses plus traditionnelles. Le site du Quotidien du Peuple1 et le Global Times2, un journal gouvernemental, ont lancé une pluie d'attaques à l'encontre des églises chrétiennes clandestines en Chine. Dans un article, le Global Times a écrit que « les églises clandestines et les sectes maléfiques se propagent comme des champignons [...] le problème est très urgent. »
    (Source : www.haohaoreport.com)

    À quoi ressemble la répression contre les églises clandestines ? À Wenzhou — que l'on surnomme familièrement la « Jérusalem orientale » en raison de sa concentration d'églises — on détruit des édifices religieux sous prétexte qu'ils dépassent les normes de construction. Mais pour les fidèles, cela est perçu comme un écran de fumée servant à masquer une répression religieuse. Ils citent en exemple la tour du commerce international, située dans la même ville, et dont les dimensions excèdent la norme de 29.000 mètres carrés mais qui a néanmoins été en mesure d'être approuvée a posteriori.

    D'autres Chrétiens ont peur de s'exprimer ouvertement sur le sujet :

    « On doit se méfier de à qui on parle » nous avertissent deux femmes dépêchées en ville par une revue religieuse de Beijing pour enquêter sur cette démolition. « Il pourrait y avoir des espions à la solde du gouvernement parmi les gens d'ici .»
    (Source : www.grandhaventribune.com)

    Ceci dit, il semble que le recours à des espions par les organisations anti-secte soit aussi monnaie courante dans le monde occidental.

    Le mouvement anti-secte en Chine

    Wenzhou abrite également le premier « parc à thème anti-secte » de Chine (bientôt des franchises près de chez vous ?).

    Ne vous attendez pas à y trouver des manèges et de la barbe à papa — c'est un lieu réservé à « l'exercice et l'endoctrinement », équipé d'un signe invitant les visiteurs à « vénérer la science » (voir l'illustration en début d'article — N.d.T.) et agrémenté de citations telles que « les sectes sont des poisons religieux, elles polluent la société humaine ». On y trouve aussi une fresque peinte à la main expliquant pourquoi il faut résister aux « sectes » et comment s'y prendre.

    Mais l'endoctrinement ne s'arrête pas là. En fait, le gouvernement chinois dispose même de sa propre cellule anti-secte, « le Bureau du Conseil d’État pour la Prévention et la Gestion des Problèmes relatifs aux Sectes ». Sa finalité demeure un mystère aux yeux de nombreuses personnes, bien qu'elle ait une influence sur la politique et les actions de stratégie à la fois au niveau des sphères de l'état et de celles du parti et qu'on la croit « chargée de développer des stratégies ciblées pour le parti et le gouvernement afin de prévenir les incidents liés aux activités des sectes et d'y faire face, ce qui inclut le contrôle de l'éducation et la diffusion d'une propagande visant à dissuader et "réformer" les amateurs [de spiritualité]. »
    (Source : dialogueireland.wordpress.com)

    Il existe également une multitude d'associations anti-secte dispersées à tous les niveaux de la société chinoise. Et elles ont l'air d'œuvrer sans relâche.

    Prenons, par exemple, cet opéra basé sur le thème des sectes à Huagu, découvert sur un site de tourisme chinois et organisé par l'Association Anti-secte de Hunan. En voici le descriptif :

    Les sectes sont semblables à l'ivraie toxique et nuisent à la société. Elles gaspillent votre argent et pire encore, détruisent vos familles. Dans le but de sensibiliser le public et par la même occasion, d'enrichir sa vie spirituelle,  l’Éveil de l'opéra moderne de Huagu organisé par l'Association anti-secte de Hunan a donné une représentation hautement appréciée au théâtre de la province de Taoyuan le 17 septembre. Elle met en lumière le danger des sectes avec un exemple courant, conjuguant des intrigues émouvantes et des acteurs talentueux, et représente globalement la culture locale tout en faisant montre d'une forte volonté d'alerter les gens contre les sectes.


                      La Roue de la Loi

    Une exposition pour marquer l'interdiction du Falun Gong3, intitulée "Combattez les sectes maléfiques, soutenez la culture", a attiré plus de 200.000 personnes en dix jours. On pouvait y voir des images horribles d'adeptes du Falun Gong avec des comparaisons à l'Allemagne nazie et porteuses d'un message simple : « Des personnes intelligentes et en bonne santé sombrent dans la folie en devenant adeptes du Falun Gong et se font du mal à elles-mêmes ainsi qu'à leur famille. »
    (Source : www.cesnur.org)

    Les visiteurs de cette exposition ont formulé les observations suivantes :

    « Une représentation très concluante et efficace contre les sectes. » — Han Juyin de Chongqing.
    « Je vais emmener de la documentation avec moi pour enrichir le contenu du bulletin anti-secte de notre campus. » — Visiteur Zhu Xiaoping de l'école secondaire N°5 de Xianfan, dans la province d'Hubei.
    « Le Falun Gong n'est pas uniquement l'ennemi du peuple chinois mais l'ennemi commun de ceux qui sont pour la paix dans le monde et le respect du savoir et de la science. Il faut que tous les gens honnêtes soient vigilants et fassent blocus », a écrit un visiteur du nom de Qiao Chunhong.
    (Source : www. facts.org.cn)

    Toutefois, un porte-parole du Falun Gong basé à New York a déclaré : « Ce ne sont que des mensonges, de la propagande. En réalité, c'est [le gouvernement chinois] un régime totalitaire qui persécute sans relâche des millions de personnes de son propre peuple. »

    Ce point de vue semble confirmé par la réaction initiale à l'interdiction du Falun Gong lorsque le gouvernement chinois a commencé à considérer le nombre grandissant de ses adeptes comme une menace à son contrôle :

    Le Falun Gong a été interdit comme menace à la sécurité publique. Des dizaines de milliers de ses membres ont été arrêtés et envoyés, sans procès, dans des camps de travail ; et beaucoup ont été torturés. Le Département de la Propagande a immédiatement lancé l'assaut sur le Falun Gong. Dans le premier mois qui a suivi son interdiction, Le Quotidien du Peuple a publié une dizaine d'articles par jour le dénonçant et plusieurs chaines de télévision se sont livrées à des marathons d'émissions spéciales 24 heures sur 24 pendant plusieurs jours d'affilée (Kutulowski, 2004; Yu, 2004). Les journaux, les magazines et les stations de radiodiffusion ont déballé des histoires macabres d'adeptes se donnant la mort et s'ouvrant le ventre pour y trouver leur falun intérieur. Ces images pleines de sang et d'entrailles furent particulièrement convaincantes car on parle rarement des actes criminels et des suicides en Chine.
    (Source : www.facts.org.cn)

    Mais en Occident, nous vivons dans une société libre, non ?

    Si vous pensez qu'une telle mentalité à l'égard de la spiritualité ne pourrait jamais s"insinuer dans le monde occidental « libre », il vaudrait mieux y réfléchir à deux fois.

    En Occident, il n'est pas rare que des filtres internet commerciaux ciblent et fassent obstruction à la « spiritualité alternative », classant même tout ce qui s'y rapporte dans la même catégorie « pour adultes » que des sujets tels que les drogues, les jeux d'argent, les armes et la pornographie. Les écoles publiques et les bibliothèques aux États-Unis ont largement recours à ce type de filtrage bloquant souvent, de manière discriminatoire, toutes les croyances non conventionnelles et ne permettant l'accès qu'à une liste restreinte de convictions religieuses. En Australie, le gouvernement de l'état du Queensland  se sert du filtre Blue Coat dans ses écoles pour faire barrage à spiritualité et aux convictions alternatives.

    Au Royaume-Uni, on a découvert que le filtrage utilisé par les réseaux de téléphonie mobile et par les prestataires de WiFi public assurait également le blocus. Fait inquiétant, lorsque David Cameron a proposé d'installer des filtres internet au niveau du réseau des fournisseurs d'accès des lignes fixes en Grande-Bretagne « afin de protéger les enfants », il a fait l'éloge de TalkTalk qui utilise un système de filtrage contrôlé par Huawei, une compagnie entretenant des liens étroits avec le gouvernement chinois dont le propre système de filtrage bloque, entre autres, tout ce qui a rapport aux « superstitions » et au Falun Gong.

    Lors d'une conférence « anti-secte » en Australie, un sénateur, s'étant servi de son privilège parlementaire pour attaquer un nouveau mouvement religieux, a également annoncé qu'il prévoyait de soumettre l'idée « d’incorporer l'enseignement des sectes au nouveau curriculum national ».

    Le gouvernement chinois lui-même cite l'exemple du mouvement anti-secte occidental pour appuyer ses propres campagnes de répression spirituelle et a reçu d'éminents militants occidentaux sur son territoire pour appuyer sa cause.

    Suffisamment de personnes se mobiliseront-elles pour la spiritualité avant qu'il ne soit trop tard ?

    Bien qu'en Occident, les gouvernements ne persécutent évidemment pas les minorités spirituelles dans la même mesure que d'autres comme la Chine, des signes inquiétants donnent à penser que nous pourrions avancer dans cette direction.

    Reste à savoir si suffisamment de personnes se mobiliseront pour la spiritualité avant qu'il ne soit trop tard ? Ou bien l'apathie nous fera-t-elle encourir le risque d'un avenir semblable à celui qu'ont vécu des chercheurs et aspirants spirituels dans des pays où la liberté en la matière est fortement restreinte ?

    Traduit de l'anglais par Ey@el
    © lapensinemutine.eklablog.com

    Notes et références

    1. ^ Le Quotidien du Peuple est le journal officiel du parti communiste chinois.
    2. ^ Le Global Times suit la ligne du Quotidien du Peuple et est publié en chinois et en anglais.
    3. ^ Le Falun Gong, aussi appelé Falun Dafa, est une ancienne discipline de qigong, transmise au grand public par Li Hongzhi. Le qi gong, chi gong ou chi kung, est une gymnastique traditionnelle chinoise et une science de la respiration, fondée sur la connaissance et la maîtrise de l'énergie vitale, et associant mouvements lents, exercices respiratoires et concentration. Le terme signifie littéralement « exercice (gong) relatif au qi », ou « maîtrise de l'énergie vitale ». La particularité du Falun Gong est de revenir à la source des enseignements du qigong en recherchant simultanément le développement physique et spirituel. Elle vise à garder le corps en bonne santé et éveiller la conscience au maintien d'une bonne moralité. Son enseignement combine la pratique de la méditation, d'exercices aux mouvements lents et souples et le travail sur soi à travers trois principes fondamentaux : Authenticité, Bonté, Tolérance. À noter la grande svastika au centre de la Roue de la Loi (voir illustration) qui est un très ancien symbole positif dans de nombreuses cultures et qui a été détourné par l'idéologie nazie au XXe siècle — ce dont s'est servi le gouvernement chinois pour étayer sa propagande.
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