• Indochine : la censure de "College Boy" révèle « une culture de la lâcheté »

    Article de Mathilde Cesbron

    En rédigeant mon édito d'hier (voir Articles connexes), je n'ai pu m'empêcher de repenser à la polémique qui avait saisi les médias grand public en France à la sortie du clip de "College Boy" d'Indochine, il y a deux ans. Je pense que cette interview de son réalisateur par le Figaro illustre parfaitement la problématique et aide à faire le tour de la question évoquée hier. Pour le reste tout est résumé dans le titre.

    ATTENTION : ce clip pourrait choquer les âmes sensibles.

    Ey@el

    Dans une lettre ouverte à Françoise Laborde, membre du CSA, Xavier Dolan défend son clip « produit dans l'optique de fournir à la jeunesse une œuvre qui puisse illustrer la brutalité dont ils sont tour à tour les dépositaires, instigateurs ou témoins ».

    Comme il l'avait promis, Xavier Dolan, réalisateur du clip polémique "College Boy" d'Indochine, a exposé sa vision de la censure à François Laborde, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et a défendu son travail dans une lettre ouverte publiée par le Huffington Post.

    L'artiste québécois justifie son geste — avoir filmé un adolescent crucifié — pour dénoncer le harcèlement scolaire. « Les plateformes de diffusion en ligne ont pu nous assurer, depuis jeudi dernier, un nombre de visionnages approchant le million. En effet, l'Internet veillera à la survie de ce document produit non pas dans l'optique d'exploiter la violence de manière superficielle, mais bien dans celle de fournir à la jeunesse une œuvre à la fois réaliste et poétique, et qui puisse illustrer de manière graphique la brutalité dont ils sont tour à tour les dépositaires, instigateurs, ou témoins », écrit-il.

    Xavier Dolan revient sur les propos de Françoise Laborde qui affirmait : « On ne dénonce pas la violence en montrant de la violence. » « Alors comment la dénonce-t-on ? » lui rétorque le réalisateur. « Comment la dénonce-t-on sinon par la démonstration par l'absurde ? Qui peut ici se targuer d'avoir pu sensibiliser les générations précédentes à l'intolérance, l'agressivité et l'ostracisme ? Vous ? »

    Le CSA a 35 ans de retard

    Selon lui, le CSA arrive « à table pour le débat sur la légitimation de la violence à l'écran avec environ trente-cinq ans de retard. » Il pointe ensuite du doigt les innombrables films, bandes-annonces, clips, disponibles sur Internet ou à la télévision, qui banalisent la violence. « S'il était un temps où vos logos prohibitifs et drapeaux jaunes suffisaient à limiter leur spectre délétère, votre devoir, aujourd'hui, en tant que présidente du Conseil de l'audiovisuel supérieur de France, est de réinsérer les attributs de votre mandat dans la réalité actuelle telle que redéfinie par l'héritage de la technologie », lui lance-t-il.

    J'aurais voulu, à cet âge, qu'on me dise tout le mal que je pouvais faire en insultant un camarade.
    ~ Xavier Dolan

    Interdire la diffusion de "College Boy" aux moins de 18 ans « relève d'un geste plus automatique qu'il n'est véritablement réfléchi », poursuit Xavier Dolan. « Vouloir les [les jeunes] priver de notre message est comme interdire à cette même jeunesse un documentaire sur le taux de suicide chez les mineurs. » Le réalisateur estime que «l'imagination» et « l'audace » sont des moyens nécessaires pour « imprimer » l'esprit des jeunes. « J'aurais voulu, à cet âge, qu'on me dise tout le mal que je pouvais faire en insultant de manière incessante un camarade de classe, dans le but probable d'échapper moi-même aux brimades des autres, mais les brochures éducatives en papier glacé et les vidéos corporatives sur l'intimidation passaient inaperçues dans la cour d'école où il fallait survivre à la meute. »

    Xavier Dolan regrette de ne pas avoir l'organe régulateur du paysage audiovisuel et les chaînes de télédiffusion de son côté pour lutter contre les violences scolaires. « C'est en vous, en eux que nous espérions les alliés les plus logiques, je constate qu'il existe au sein de vos groupes une culture de la lâcheté, presque instinctive, camouflée par une fausse outrance, une inclination sensationnaliste qui font d'eux, et de vous, des complices de la stagnation. » Dolan finit par remercier le CSA « de l'exceptionnelle visibilité que vous avez donné à mon travail, bien qu'il soit dommage que cette polémique n'origine (sic) non pas de votre soutien, mais de votre refus de contrer la violence par l'action plutôt que par le silence. »

    Par Mathilde Cesbron
    © lefigaro.fr

    « La plus belle manière qui soit de contrer une bruteIls sont là »

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 16 Avril 2015 à 13:36

    C'est drôle, la façon dont CSA lui-même ne se rend pas compte qu'il est important de secouer les inconscients qui font cela, ce qui montre qu'il est fort probable que pour eux comme beaucoup le monde est déjà mal foutu et que même en montrant cet ado crucifié on arrivera jamais à arranger la misère qu'il y a là-dedans. Plutôt triste.

    En fait, c'est un peu comme ça pour tout, maintenant : Le monde va mal et on ne veut pas faire marche arrière en pensant que cela est impossible. Et pourtant, on vous le fait croire en bannissant tout de même ce qui montre la situation actuelle -et qui ne montre même pas parfois les conséquences que cela aura sur notre avenir si l'on ne fait rien-. C'est ce qu'il faudrait faire, montrer ce qui se passe dans la cour de récré de vos enfants qui sont censés apprendre "la vie en communauté".

    Et le pire dans tout cela, c'est que non seulement le sujet n'est pas assez abordé, mais l'enfant harcelé lui-même ne voudra rien dire. Peut être même parfois parce qu'il pense que ce qu'il vit n'est pas pire ce que certains ont vécu. Mais c'est quoi, le pire ? Le minimum dans ce que l'on appelle le harcèlement ? Il ne le sait pas, c'est tabou et l'on n'en parle pas.

    La règle là-dedans, c'est que même quand on ne sait pas exactement ce qu'il se passe, mais si là-dedans, on se sent humilié, jeté, isolé, il faut briser le silence. Parce que même si ils refusent d'en parler à la télé et dans les journaux aujourd'hui, c'est toi l'enfant de demain et qu'on en parle maintenant.

    Laisse-les faire, ignore-les, mais n'en souffre jamais. Fait de cette différence -aussi petit soit elle- une arme, et ose briser ce mur de pierre qu'a bâti le harcèlement entre toi et tes parents. Voilà, si certains passent par là, comme l'a dit Eyael_ dans son précédent article, nous tenons un blog à ce sujet et je pense que si certains ont besoin d'aide par ailleurs, on est là.

     

    2
    Jeudi 16 Avril 2015 à 16:17

    Merci pour ce beau commentaire. J'espère que cela en incitera d'autres à venir s'exprimer sinon à réfléchir même s'ils ne sont pas eux-mêmes victimes de harcèlement parce qu'il se peut aussi qu'ils en soient témoins. Fermer les yeux, c'est consentir et consentir, c'est être coupable. Personne ne vous demande de jouer les héros mais de soutenir vos camarades victimes et alerter les adultes, voire les « harceler » jusqu'à ce que les choses bougent et peut-être aussi trouver d'autres personnes comme vous qui veulent que cela cesse. Les harceleurs ne s'en prennent jamais à des groupes ou des individus qui ont confiance en eux alors rendre les faibles plus forts, les aider à prendre confiance, c'est aussi quelque chose que vous pouvez faire. Dites-vous bien qu'il n'y a ni sot ni petit moyen. Les seuls qui soient sots et petits sont ceux qui font preuve d'une telle cruauté envers leurs pairs.

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