• Le côté obscur de la comparaison (et pas dans le sens où vous l'imaginez)

    Article d'Antonia Beamish traduit par Ey@el

    Available in English

    La comparaison est un acte de violence envers soi-même.
    ~ Shaikh adil

    Se comparer aux autres n'a rien de nouveau. C'est le propre de la nature humaine. Pourtant, il y a un autre aspect de cette comparaison dont nous avons beaucoup moins conscience, qui nous éloigne encore plus de notre faculté d'acceptation et d'expression véritable de nos émotions et qui, au lieu de cela, alimente une tendance à la gratitude par défaut, laquelle nous détourne de la joie de l'appréciation authentique.

    L'art de la comparaison

    Nous vivons dans un monde régi par la comparaison et la compétition. C'est ainsi que prospère notre société. Du fait de notre conditionnement à « être les meilleurs », nous ne partageons que les faits valorisants de nos existences, occultant la laideur. L'image que nous présentons au monde est filtrée, lissée et parfaite, masquant toute insécurité, imperfection et vulnérabilité émotionnelle.

    Nous avons tendance à nous comparer à nos pairs plus qu'à quiconque. Nous nous sentons en sécurité au sein de la meute. Comme il nous est difficile de nous démarquer, nous avons alors recours à la comparaison pour évaluer notre statut social. Nous voulons sans cesse savoir ce que font les autres, nous servant de cette information comme d'un baromètre de notre succès et de notre alignement avec la société.

    Nous voulons désespérément nous maintenir dans une course sans fin. Pourquoi nous infliger cela ? La faute à notre programmation. Depuis l'enfance, on nous conditionne à être les meilleurs, à remporter la course, à être le capitaine, à accomplir, accomplir, accomplir... On ne récompense pas les perdants.

    Au niveau le plus élémentaire, la comparaison est un déni absolu de la vie à l'instant présent. Lorsque nous sombrons dans cet état, nous voulons être n'importe où sauf là où nous sommes, qui nous sommes dans notre corps et dans l'existence que nous menons.

    La comparaison nous prive de joie. Elle nous éloigne de notre vie merveilleuse, nous arrache à la perfection de l'instant présent, et nous colle le nez contre la vitre derrière laquelle nous contemplons le monde en pensant que nous nous devrions être beaucoup mieux que nous ne le sommes. C'est dans de tels moments que nous oublions que le bonheur est quelque chose à travailler en soi. Que la satisfaction et un travail intérieur. Que rien à l'extérieur de pourra jamais guérir les blessures d'auto-estime à l'intérieur de nous.

    Le côté obscur de la comparaison

    Nous réalisons tous le danger qu'il y a de comparer nos vies à celles des autres. Pourtant, il y a un autre aspect de cette comparaison qui nous échappe un peu plus. Bien que nous reconnaissions comment nous comparons nos vies à celles que, sous une forme ou une autre, nous aspirons à atteindre, nous avons cependant bien moins conscience de le faire avec celles, qu'au plus profond de nous, nous craignons d'atteindre.

    Nous assistons à la souffrance d'autrui et comparons nos existences avec les leurs, ce qui engendre une double réaction en nous. En premier lieu, c'est de la honte que nous éprouvons. Nous nous sentons indignes et mal placés de nous plaindre en sachant que d'autres souffrent bien plus que nous. Nous pouvons même nous sentir coupables de nos trains de vie, nous dire que nous sommes « immoraux » et de « mauvaises personnes » pour ne pas apprécier en permanence ce que nous avons.

    Bien que cela soit le propre de la nature humaine d'essayer de s'empêcher d'exprimer toute forme de négativité, il est cependant nécessaire de reconnaître notre propre douleur et souffrance. Les ressentir ne nous empêchera pas d'avoir conscience de celle du monde. Réprimer nos propres émotions par culpabilité ou honte les refoule encore plus profondément dans notre corps où elles s'amplifient jusqu'à ce que nous n'ayons plus d'autre choix que de les confronter.

    Se sentir incapable d'exprimer des émotions par culpabilité envers d'autres qui souffrent plus que nous n'est pas faire montre de compassion envers nous-mêmes. Faire abstraction de nos propres difficultés et édulcorer nos propres sentiments d'une couche de positivité ne sert qu'à réprimer et invalider encore davantage ce que nous éprouvons.

    Ensuite, en procédant ainsi nous ne faisons pas que contester la validité de nos sentiments mais nous nous contraignons aussi dans un espace de gratitude artificielle forcée que j'appelle la « gratitude par défaut » parce qu'on se l'impose par culpabilité et honte.

    La gratitude par défaut

    Pratiquer la gratitude est extrêmement puissant mais j'ai l'impression que dans notre société insouciante, ce concept a été détourné. C'est la honte nous pousse à la reconnaissance au lieu de laisser ce sentiment se produire en nous de manière spontanée. La gratitude et la positivité ont toutes deux leur place dans notre monde mais lorsque nous les forçons, nous en perdons la potentialité.

    La gratitude est devenue la case à cocher par défaut en lieu et place d'un état émotionnel organique. Nous comparons nos vies à celles des autres, voyons la souffrance et avons l'impression que nous « devrions être reconnaissants » de ce que nous avons plutôt que de ressentir cette gratitude comme un phénomène naturel.

    Il y a une énorme différence entre la gratitude authentique et la gratitude par défaut. La gratitude par défaut émane d'un cœur fermé, endurci par le doute, la négativité et la peur. Alourdi par la culpabilité et la honte de ne pas reconnaître notre abondance alors que d'autres sont dans une souffrance si terrible. Dans une telle vibration, les platitudes superficielles de gratitude ne peuvent déployer le cœur. Avant de pouvoir le laisser s'ouvrir, il y a un travail plus profond à effectuer pour sortir de la comparaison.

    La véritable gratitude est bien plus difficile à éprouver et célébrer lorsque nous sommes fermement recroquevillés sur nous-mêmes pour nous blinder et protéger notre corps physique et émotionnel.

    La gratitude authentique

    La gratitude authentique vient spontanément lorsque, pendant un instant, nous débordons de joie. C'est quelque chose de pur et d'authentique qui nous plonge temporairement dans un espace d'amour. Ça, c'est la vraie gratitude.

    C'est quelque chose d'une beauté sincère et tangible, d'organique et de spontané. Quelque chose de véritable avec une intégrité. Nous savons quand nous sommes reconnaissants parce que nous l'éprouvons dans tout notre être. La gratitude est une énergie humaine qui survient de manière spontanée en réaction aux états de bien-être.

    ~  Murray Hill

    La gratitude est une vibration de joie pure lorsque nous sommes témoins de la beauté de l'instant. Elle naît d'un état de conscience. Quand nous sommes présents, nous ne regardons par derrière nous en nous lamentant du passé, pas plus que nous nous inquiétons des craintes à venir. Nous sommes ici, les yeux grands ouverts à toutes les merveilles de l'instant présent. C'est de cet endroit que nous pouvons véritablement ressentir, apprécier et aimer.

    J'éprouve de la gratitude dans l'instant : de magnifiques couchers de soleil, un chien endormi, la pluie qui tombe, une tasse de café fumant, le vacillement de la flamme d'une bougie, un bol de cerises, des oiseaux dans le jardin, terminer la journée en dormant dans un lit. Ce sont des moments comme ceux-là qui permettent à la gratitude d'affluer en surface.

    Si vous avez de la difficulté à éprouver de la gratitude sur un plan authentique, reconnaissez où vous édulcorez sans doute vos émotions négatives pour en faire de la fausse positivité. Ouvrez-vous à ressentir toutes vos émotions, peu importe combien elles peuvent vous sembler négatives. C'est depuis cet espace d'honnêteté et de validation émotionnelle que vous pourrez vous mettre à vraiment voir ce envers quoi vous pouvez vous montrer véritablement reconnaissants.

    Puis commencez à devenir plus présents. Ouvrez les yeux à la beauté qui vous entoure. Si vous ne ressentez rien, ne vous forcez pas à voir le côté brillant en chaque chose. Abandonnez les listes, les cases à cocher et les journaux de gratitude. Pratiquez le yoga d'ouverture du cœur et la méditation pour apprendre être dans l'instant présent et la gratitude viendra à vous le plus naturellement du monde et vous enrichira.

    Traduit de l'anglais par Ey@el
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  • Commentaires

    1
    Lundi 21 Juin 2021 à 20:13
    Ah, j'aime beaucoup cet article, tellement vrai ! Oui, il faut savoir reconnaître la vraie gratitude ! C'est tellement bon ! ;) Et oui, j'aimerais bien ne plus être dans cette société comparative basée sur la compétition !
      • Mardi 22 Juin 2021 à 01:09

        C'est cette culture de l'égo qui nous a amené dans l'impasse où nous sommes actuellement. Là où l'ego prend toute la place, il n'y en a plus pour l'âme. Comment s'entendre dans tout ce brouhaha de l'ego ? Le nouveau monde se fera sans l'ego sauf qu'avant il faut que l'ancien meure. Je me souviens l'avoir déjà dit l'an dernier mais ça n'a pas changé. C'est juste qu'il met un peu plus de temps à mourir.

        Ceux qui sont accrochés au service à soi (curieusement les mêmes qui  veulent nous imposer le communisme 2.0 pire qu'en Chine si c'est encore possible) ne lâcheront jamais le morceau. Il faudra leur aracher des mains. Et ça arrivera. Parce que l'inverse de la création et de la vie, ce n'est pas la mort (qui n'est qu'un passage d'un état à un autre) mais le néant.

        Garde espoir et continue d'exprimer ta gratitude, cela te permet de rester reliée aux forces de vie (et ils voudraient tant nous en décrocher en détruisant notre ADN avec leurs thérapies géniques). On est tous isolés mais en fait nous sommes reliés par notre lumière. Nous sommes des phares et les phares résistent aux pires tempêtes.

    2
    Lundi 21 Juin 2021 à 20:16
    Et puis en passant , ton illustration m'a rappelé la chronique entendue il y a peu de temps sur france inter :
    https://www.franceinter.fr/emissions/blockbusters/blockbusters-du-vendredi-18-juin-2021

    Comme quoi, on devrait faire plus attention à nos enfants et à ce qu'on leur laisse regarder !
      • Mardi 22 Juin 2021 à 01:14

        Tout à fait raison. Ce sont eux surtout qui sont ciblés car tellement malléables.

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